Salut à tous,
Tout s'est bien passé lors de notre semaine en Suisse avec Pat Glairon-Rappaz et Paulo Robach. 7 jours, 6 bivouacs dans la face, du 30 janvier au 5 février, pour les 1800m de la face nord de
l'Eiger (qui signifie littéralement "taupinière" en suisse-allemand, oui oui!!). L'objectif était la voie "directissime Harlin", ouverte du 23 février au 25 mars 1966 par de fortes cordées
américano-anglo-allemandes en plusieurs tentatives à l'aide de centaines de mètres de cordes fixes.
Depuis plus de 40 ans, la voie n'a pas connu beaucoup de répétitions. La première répétition est à attribuer aux Japonais qui y passèrent 3 mois lors de l'hiver 1970, avec 2355m de cordes
fixées... S'en suivit la répétition du GMHM en 18 jours de l'hiver 1978 (toujours avec cordes fixes et tout le toutim) et Tobin Sorenson et MacIntyre en 4 jours durant l'automne 1978.
Cette dernière serait donc la première répétition en style alpin de la voie. Mais la première répétition hivernale en style alpin reste toujours à faire. Bien que s'aidant des cordes fixes
laissées en place par le GMHM, Slavko Sveticic réalisa une incroyable performance en parcourant en solo la voie en 26h les 15 et 16 janvier 1990, en sortant par la voie classique de 1938 dans le
haut de la face, à partir du névé de "l'Araignée" (http://www.slavko-sveticic.com/?page_id=2). Une performance d'extra-terrestre malgré tout!!... En 7 jours de février 1997, une équipe de 4 Russes parcourut également la voie en hiver
sous cette dernière version (http://www.cetneva.com/fr/our-travels/9/).
Enfin, du 20 au 22 septembre 2010, Robert Jasper et Roger Schaeli répétèrent la voie en libre en 3 jours, toujours en sortant par la voie classique de 1938. Les cotations artificielles de
l'ouverture en A3-A4 se transformèrent alors en cotations de libre et de mixte 7a et M8-, avec la cotation supplémentaire d'engagement à l'anglaise de E5 (grosses chutes potentielles!).
Au final, aucune répétition hivernale en style alpin (sans utilisation de cordes fixes) de la voie dans sa version originale...
Parti pour la voie le 30 janvier après un bon premier bivouac dans les toilettes de la gare d'Eigergletscher (les toilettes des dames, plus propres que celles des hommes), les prévisions météo
stables et relativement clémentes pour l'époque nous remplir d'espoir de réaliser l'ascension en style alpin de la voie dans son intégralité. Une succession de murs calcaires raides, entrecoupés
de pentes de neige à 50-60°, nous éprouvèrent tour à tour moralement et physiquement: moralement, car l'escalade calcaire en grosses ou en crampons sur du rocher compact dont les plats sont
recouverts de neige et les dièdres encombrés de bouchons de neige nous sollicita durement. Physiquement, car lors des sections moins raides, les 30kg du sac contenant affaires de bivouac, gaz et
nourriture ne sont plus hissés mais portés sur le dos. Mais l'entreprise avançait bien, doucement mais sûrement. Les "Energy Diet Soup", "Energy Diet Diner" et "Energy Diet Breakfast" nous
requinquèrent lors de chaque bivouac (le kg de cacahuètes, de beaufort, de saucisson et de chocolat aussi). Néanmoins, l'idée de répéter intégralement la voie fut balayée par le vent du nord qui
se leva, forcissant lors des derniers jours de l'ascension. Constamment exposés à une température inférieure à -10°C, déjà passablement éprouvés par l'escalade, nous décidâmes finalement de
sortir au plus vite de la face le 6ème jour en empruntant la sortie de la voie classique 1938 à partir de "l'Araignée". Un 6ème et dernier bivouac du côté sud de l'arête sommitale, à l'abri du
vent, puis nous voilà le lendemain au sommet, bien content de basculer de l'autre côté et d'échapper, brrhhhhh, au 70km/h de vent du nord et au froid qui commençait à mordre nos petites
extrémités.
La première répétition hivernale de la voie en style alpin reste donc à faire!
Voilà pour un résumé de cette belle aventure dans le talus suisse.
A bientôt,
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Cédric PERILLAT-MERCEROZ